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Exposition dé(confinements)
5 novembre 2021 à 12 h 00 - 8 janvier 2022 à 17 h 00
dé(confinements) : une ou plusieurs œuvre(s) à la fois
Depuis le début de l’année 2020, la planète a connu une succession de périodes de confinement et dé-confinement au gré de l’évolution de la crise sanitaire causée par la maladie à coronavirus (COVID-19). Cette alternance a amené les commissaires de cette exposition à tisser des parallèles avec les (dé)confinements temporaires auxquels sont promises les œuvres dans les collections de L’Artothèque. L’exposition dé(confinements) s’inspire ainsi d’un constat principal : nos dynamiques citoyennes depuis l’an dernier miment le parcours de vie des œuvres logeant dans cette institution.
Une partie essentielle de la mission de L’Artothèque, c’est-à-dire ce qui le distingue d’autres organismes et institutions qui s’adonnent à la location d’œuvres d’art*, est l’insertion d’art chez-soi. Le corps à corps temporaire avec des œuvres originales génère autant de joie que de crainte, et l’adoption d’une attitude de care s’impose. Il va sans dire que le rapport que les habitant·es d’une maison entretiennent avec les œuvres louées à L’Artothèque est différent de celui qu’iels établissent avec des œuvres dans un musée, galerie ou centre d’artistes autogéré. Au fil de leur séjour temporaire chez quelqu’un, il se développe un rapport de cohabitation. Lors des périodes récentes de confinement des populations, ce temps de cohabitation s’est potentiellement accru, ce qui a permis soit de les apprécier davantage, soit de les rendre invisibles. Après des séjours courts ou prolongés chez leurs hôte·esses, les œuvres retournent généralement à L’Artothèque dans l’attente permanente d’habiter d’autres lieux : bureaux, plateaux de tournage, mais, surtout, de nouveaux intérieurs domestiques.
Inspirées des constats partagés ci-dessus, les commissaires se sont aventurées à la recherche d’œuvres dans les collections de L’Artothèque évoquant les univers habitant nos demeures ; des univers tels des réseaux d’objets, de gestes, de rêves et de relations. Les artistes réuni·es à l’occasion de dé(confinements) explorent le rapport, voire la tension entre les espaces intérieurs et extérieurs, ainsi que de multiples aspects à la fois rassurants et troublants propres à la sphère domestique. Et c’est que cette sphère est devenue le dernier retranchement en temps de crise : le symbole de sécurité par excellence – il y a eu consensus sociétal que la meilleure manière de se protéger et freiner la propagation de la COVID-19 était de rester chez soi. Pourtant, si pour plusieurs personnes ce repli domiciliaire a représenté le havre de paix et de sécurité que les autorités civiques et sanitaires promettaient, pour d’autres, ces intérieurs sont se sont mués – ou l’étaient déjà – en terrains de bataille, cadres générateurs de stress, de dépression et de tristesse ou en locus où la violence a opéré – ou opère en permanence – à de niveaux distincts et avec diverses conséquences. Ce qui en ressort est que la maison conjure une panoplie de représentations dans l’imaginaire et de situations concrètes qui dépassent une construction convenue de confort et de bien-être. Ces représentations sont en constante évolution et directement reliées à notre statut social, âge, identité de genre, appartenance ethnoculturelle, incapacité visible ou invisible, etc.
(Intérieurs)-)Extérieurs(-(Intérieurs)
Les rapports ambigus qu’entretiennent les espaces intérieurs et extérieurs s’incarnent, chez plusieurs œuvres, en un motif récurrent : la fenêtre. Cette dernière agit comme brèche dans ce lieu clos, intime et secret qu’est la sphère domestique. Par elle, les artistes amorcent une réflexion sur ce qui est accessible et ce qui ne l’est pas, sur ce que l’on laisse voir et ce que l’on dissimule. La matérialité même de la fenêtre, par le verre dont elle est généralement comblée, participe aussi de cette ambiguïté. Cela transparaît notamment dans la peinture Esplanade (1998) de Gérald Larocque. Ce verre ne se mue-t-il pas aisément en miroir ? La question du regard se décline alors en de multiples interprétations. Ainsi, par l’entremise de cette figure aussi concrète que symbolique, des univers à l’apparence (transparence) distincte se confondent, soulignant le caractère intangible de la frontière qui les sépare.
Intérieurs Trou(blant)s
Une partie des œuvres de cette exposition illustre l’aspect inquiétant que peut signifier l’espace domestique. Sa familiarité caractéristique, qui se devrait rassurante, prend ici une tournure étrangement menaçante. Sous le regard des artistes, les objets du quotidien semblent traduire une paranoïa subtile, reflet de nos angoisses intérieures qu’une solitude prolongée contribue à exacerber. La tiédeur réconfortante du doux cocon devient alors insupportablement étouffante. Telle une réponse à cette réalité aliénante, certaines œuvres explorent le monde du rêve et de l’intériorité. La femme en pyjama rose dans La Chute (2012) de Cat Plourde descend-t-elle à toute vitesse vers l’inconnu ou est-elle suspendue le temps d’un rêve ? Ultime échappatoire, celui-ci peut toutefois tendre vers le cauchemardesque. Ceci est particulièrement manifeste lorsque la frontière entre réel et irréel, entre lucidité et folie, est incertaine. Troublantes, ces œuvres confrontent le public à une vision du chez-soi qui ne correspond en rien à celle qui, idéalisée, nous est présentée comme la normalité. Le royaume des apparences, voire de la violence physique et mentale qu’une maison peut abriter est dénoncé dans Savoir se taire (2012) de Marianne Pon-Layus où l’artiste expose le « code de conduite » ciblant les femmes et dont la sphère domestique est le théâtre d’« apprentissage » par excellence.
Intérieurs Apaisants
Même si l’espace domestique enferme la possibilité de s’avérer inquiétant, la chaleur et le réconfort qui y sont généralement associés ont inspiré certain·es des artistes de l’exposition. C’est tout d’abord par la figure humaine que ces aspects transparaissent. Lorsque représentés, les gestes de tendresse ont une valeur telle qu’ils éclipsent le lieu où ils s’exécutent. Dans la toile de Christine Viens, La part de rêve (2004), un couple dort dans un espace-lit ou montage. Un autre couple, dans Au rendez-vous (nd) de Jean-Pierre Lafrance, danse au rythme d’une musique sourde dans un lieu à la fois intérieur et extérieur. La sensorialité occupe d’ailleurs une place particulière dans ces œuvres, et ce, même lorsque l’humain se fait absent. Car sa présence est suggérée par moult détails dont nombre d’entre eux évoquent des odeurs, des textures et des goûts précis que l’on peut aisément associer à des souvenirs réconfortants, comme dans Fan, Flower and Tea (1981) de Gayle Richardson. Les artistes mettent donc en évidence toute l’importance qu’ont les gestes et les objets du quotidien dans l’élaboration d’une connexion émotive avec cette entité complexe qu’est notre maison.
Sophie Mallette & Analays Alvarez Hernandez – Octobre 2021
ARTISTES :
Aygerim Syzdykova, Benoît Simard, Caroline A. Bergeron, Cat Plourde, Christine Viens, Claude A. Simard, Cosimo Privato, Daniel Richards, Gayle Richardson, Gérald Larocque, Gilles Desmarais, Jean-Guy Meister, Jean-Pierre Lafrance, Marcus Uzilevski, Marianne Pon-Layus, Mikhail Smirnov, Paul de Romefort, Richard Deschênes, Simon Morin, Yanick Sasseville et Yves Paré.
COMMISSAIRES :
Analays Alvarez Hernandez est commissaire indépendante et professeure d’histoire de l’art dans le département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal.
Sophie Mallette est candidate à la maîtrise en histoire de l’art au département d’histoire de l’art et d’études cinématographiques de l’Université de Montréal.
*Nous songeons notamment à la collection Prêt d’œuvres d’art du Musée national des beaux-arts du Québec à Québec et à la Banque d’art du Conseil des arts du Canada à Ottawa. Leur service de location d’œuvres n’est pas offert aux particuliers.
> COMMENT POUVEZ-VOUS PARTICIPER À L’EXPOSITION ?
Nous remercions –